L’enième procès des Femen …
16 octobre, 2014   //   Par :   //   a chaud   //   Les commentaires sont fermés.   //   5511 Vues

Imaginez la situation : vous êtes marié et on l’on se moque publiquement de votre épouse et de votre enfant en simulant, par exemple, son avortement en s’introduisant chez vous. Que diriez-vous si l’on venait moquer ce que vous avez de plus intime ? C’est la même veine … : en décembre 2013, une Femen a simulé l’avortement de Jésus au beau milieu de l’église de la Madeleine, à Paris. Juste un peu avant Noël, l’an passé, Éloïse Bouton est entrée seins nus dans l’église de la Madeleine (Paris 8è), et a simulé devant l’autel un avortement à l’aide de morceaux de foie de veau sanguinolents symbolisant ainsi un fœtus. Elle termina son action en urinant devant la foule pour le moins estomaquée. Et les Femen communiquèrent ainsi sur les réseaux : « Noël est annulé ! Du Vatican à Paris. Le relais international de Femen contre les campagnes anti-avortement menées par le lobby catholique continue, la sainte mère Éloïse vient d’avorter de l’embryon de Jésus sur l’autel de la Madeleine ». Éloïse Bouton a fait aussi partie des neuf militantes poursuivies pour des dégradations à Notre-Dame qui avaient été relaxées, puisqu’elles n’étaient pas poursuivies pour exhibition sexuelle … Le parquet ayant fait appel, elles seront rejugées dans les mois qui viennent. Hier, le 15 octobre, la justice n’a pas encore rendu son verdict quant aux faits de la Madeleine : rendez-vous le 17 décembre prochain (cf. article du Point par exemple). 

Mais cela n’empêche : peut-on encore y réfléchir posément ? Sans doute cela va en étonner, mais je comprends que l’on puisse se moquer de la religion dans ses aspects institutionnels. Le Pape a sa marionnette aux Guignols ; soit ! je n’en fais pas tout un plat. Je comprends même que l’on puisse avoir une vision déformée de notre foi et de ce qui se passe au sein de l’Église : je ne fais pas vraiment partie de ceux qui commencent à s’insurger contre la fameuse série d’Arte « Ainsi soient-ils » (même s’il y a des choses à redire, je suis d’accord) tant je préfère trouver, positivement, que ces 1 ou 2 millions de téléspectateurs perçoivent au moins quel témoignage de vie et de cohérence ces séminaristes veulent donner au monde, parce qu’ils recherchent, au fond, cette cohérence, même si cela passe par des combats dont on n’ose pas parler habituellement. Certes, les idées de conspirations ecclésiastiques sont largement exagérées ; mais franchement, pour le reste, rien de nouveau sous le soleil. Certains me prendront pour trop tolérant, laxiste ou je ne sais quoi d’autre encore. Je préfère positivement voir que l’Église intéresse, questionne, fascine ou dérange. Accordez-moi cependant qu’à l’indifférence, je préfère largement l’intérêt, fût-il négatif. Jésus le premier a été raillé, bafoué, moqué.

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le tweet revendicateur de l’organisation des Femen au moment des faits.

Mais – parce qu’il y a un « mais » -, le procès des Femen est tout autre. Elles ne voulaient pas, en la Madeleine railler ou caricaturer l’institution ecclésiale. Non ! Et ce serait trop simple. Elles voulaient atteindre la foi de millions de Français attachés à célébrer la naissance d’un enfant en qui ils reconnaissent le prince de la paix (cf. le tweet ci-contre). Le Procureur l’a d’ailleurs bien souligné :selon lui, la prévenue « savait que son attitude ne pouvait que heurter la pudeur des fidèles », et elle ne pouvait pas « s’affranchir du respect qu’elle doit aux autres ». Bref, ne voulait-elle pas, par la grande violence que représente la simulation de la masturbation exhibée et la simulation de l’une des plus grandes souffrances féminines qui soit – l’avortement – en plein cœur d’une église, aller au-delà de la simple provocation politique ?   Ces églises, quelles qu’elles soient, sont le lieu de prière et d’intimité par excellence où des dizaines de milliers de gens viennent chaque jour, à travers toute la France, non pas d’abord adhérer à une institution, suivre un groupe de pression sociale ou politique, ou demander leur carte du parti … Non ! Et en fait, une partie non négligeable de ceux qui entrent dans nos églises chaque jour est même bien éloignée de nos institutions … mais ils viennent se mettre à nu devant un Dieu qu’ils pressentent et qu’ils perçoivent quelque peu, à leur manière, au plus intime d’eux-mêmes.

Et en cela, simuler un avortement et une masturbation sur l’autel d’une église, devant lequel tant d’hommes et de femmes célèbrent tout au long de l’année des naissances, leur amour, des deuils, des joies et des peines, est plus qu’un acte de rébellion face à une institution incomprise ou combattue. C’est une insulte à ce qu’il y a de plus intime à tout être : l’amour que l’on porte à un Dieu et aux êtres chers que l’on vient lui confier en ces lieux si sacrés que sont des églises, des temples, des synagogues ou des mosquées. Quoi qu’en disent certains, ce fameux droit de blasphème revendiqué et assumé n’est qu’un nouveau droit de lynchage public, un nouveau racisme en quelque sorte. « Je me moque de toi parce que tu aimes un Dieu invisible qui ne se défend pas ». Un petit bébé … Depuis la première nuit de Noël, aucune moquerie ne s’est tue.

Et si l’État n’était plus capable de faire respecter un minimum ce respect fondamental qu’il doit y avoir entre citoyens égaux devant la loi, alors l’une des premières  règles de la République en serait comme piétinée : la liberté de conscience. Comment puis-je me sentir respecté en cette liberté si ce qu’il y a de plus intime à ma conscience est bafoué de cette manière ? Dans nos sociétés modernes, on devrait pouvoir se moquer de tout impunément. Personnellement, je pense que dans une société digne de ce nom, la moquerie et la caricature ont les limites du respect de l’intimité de chacun.

Avec de tels actes, médiatisés au possible (et avec une certaine complicité de la part de certains, d’ailleurs …), il ne faut pas s’étonner qu’une grande partie de la jeunesse ne soit plus éduquée au respect ; et que les clivages et les divisions entre citoyens français ne fassent qu’augmenter le sentiment toujours croissant d’inégalité et de souffrance. Il y ceux qui peuvent se défendre et d’autres non. C’est ainsi que les révolutions éclatent avec leurs lots de violence. Ce n’est jamais à souhaiter.

Père Cédric Burgun

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