Migrants : « l’Europe est en train de perdre son âme »
3 septembre, 2015   //   Par :   //   a chaud, interview, societe / culture   //   3 commentaires   //   6307 Vues

J’ai analysé pour le site d’informations Aleteia les déclarations du Saint-Père sur la crise des migrants.

Aleteia : Le pape François aurait partagé à Mgr Gaillot, l’évêque de Parténia (Algérie), sa peine pour les migrants « chair de l’Église », pourquoi ?

Pere Cédric : Les migrants sont une des nouvelles formes de pauvreté à laquelle le monde est confronté aujourd’hui et l’Église s’est toujours montrée attentive aux pauvres. Ce n’est bien sûr pas la seule forme de pauvreté mais une nouvelle que nous ne pouvons donc ni ignorer ni repousser. Certains migrants ont faim et fuient une situation politique ou économique dramatique. D’autres sont persécutés et leur vie peut être en péril. De nombreuses situations effroyables sont condensées dans la figure du migrant. Je me souviens de cette déclaration du Pape au Parlement européen : « La Méditerranée ne peut devenir un vaste cimetière ». C’est pourtant bien ce qui est en train de se passer sous nos yeux.

Savons-nous porter sur les migrants un regard en « frères de sang », issus d’une même chair ?

Non. C’est bien le drame aujourd’hui d’ailleurs. Les migrants sont perçus comme des envahisseurs, comme un problème politique, des hommes qui nous dérangent dans notre confort ou notre liberté. Or, ils sont une chair qui souffre. La situation des migrants ne se règlera pas à coups de construction de camps de réfugiés. Le drame et le malaise sont plus profonds. L’appel à la décroissance de nos pays riches lancé par le pape François dans son encyclique Laudato si’, assimilant l’enrichissement de nos pays occidentaux à une forme de vol des pays pauvres, devrait nous faire réfléchir. Rappelons que dans le projet européen initial, Robert Schuman voulait faire de l’Europe un lieu de solidarité effective envers les plus pauvres. Notre Europe actuelle perd son âme lorsque ses dirigeants tardent tant à ouvrir les yeux sur ces problèmes particulièrement graves.

Les migrants sont perçus comme des envahisseurs, comme un problème politique. Or, ils sont une chair qui souffre.

Le pape François n’entend pas se rendre en France pour le moment, préférant rendre visite à « des petits pays qui ont besoin d’aide ». La France est-elle encore un grand pays chrétien sans problème ?

Grand pays chrétien non. Quand moins de 5% de la population française pratique encore, on ne peut même plus parler d’un pays chrétien. Mais je ne regrette pas pour autant les propos du Saint-Père. Je comprends que le Pape souhaite se rendre au chevet de pays qui n’ont encore jamais reçu la visite du Successeur de Pierre. Ils sont encore nombreux. La France a été assez privilégiée à ce point de vue au cours de son Histoire. Toutefois, le ministère de Pierre est aussi de conforter la foi des Églises locales en difficulté, et la France en aurait bien besoin pour garder l’espérance.

À la question de la bénédiction des couples homosexuels ou divorcés remariés, le pape François aurait convenu que « la bénédiction de Dieu est pour tout le monde ». S’agit-il pour autant d’une reconnaissance de ces situations ?

Je ne me suis jamais privé de bénir des personnes homosexuelles ou divorcées ou même remariées ! En théologie spirituelle, il faut toujours distinguer la bénédiction des personnes de la bénédiction de leur situation. Il n’est absolument pas nouveau d’appeler la bénédiction de Dieu sur toute personne qui en fait la demande. Donner une bénédiction c’est dire du bien, c’est encourager l’homme ou la femme dans ce qu’il accomplit de bon. En revanche, la question de la bénédiction d’un couple homosexuel ou divorcé remarié en tant que tel est une autre question. Aujourd’hui, on ne peut bénir une situation qui irait à l’encontre de l’enseignement de l’Église. Et enfin, gardons-nous de réagir ou d’interpréter trop rapidement des propos rapportés et sortis de leurs contexte. Au synode l’an passé, nous en avons eu des exemples…

Propos recueillis par Alexandre Meyer.

3 commentaires pour “Migrants : « l’Europe est en train de perdre son âme »”
  • De Clairac
    1 octobre 2015 -

    Est-ce vraiment de la charité chrétienne que de s’apitoyer sur des hommes qui fuient leur pays au lieu de le servir et ne pas avoir un regard pour les SDF de son pays ? De réagir à la sollicitation télévisuelle mais pas à la personne que l’on croise tous les jours sur ses cartons ? De verser des larmes de crocodile sur son lointain et de délaisser son prochain ?

    • Père Cédric
      1 octobre 2015 -

      Pourquoi opposer les choses ainsi ? Que savez-vous si l’on a pas un regard pour les SDF de son pays, pour la personne que l’on croise tous les matins ? Pourquoi une telle vision binaire comme si s’apitoyer sur les migrants étaient de facto un signe de déni des autres pauvretés …

  • De Clairac
    2 octobre 2015 -

    Ce que je veux dire c’est qu’il semble que nous nous trouvions face à une entreprise de sidération.

    Personne n’a parlé des centaines de milliers d’enfants irakiens morts des suites du blocus américain, personne ne montre ces photos des nourrissons difformes qui naissent à Fallujah à cause des bombardements à l’uranium appauvri.

    Et là il faudrait accepter d’avoir des flux migratoires hors contrôle (parmi lesquels des djihadistes), qui achèveront de déstabiliser nos pays qui sont déjà bien fragilisés. On sait que l’ONU enjoint depuis longtemps l’UE à accueillir des centaines des millions d’immigrés, on sait que ces flux migratoires sont dus en grande partie aux interventions militaires occidentales dans des pays jusque-là stables.
    Alors je ne sais pas quelle doit être l’attitude chrétienne à adopter vis-à-vis de tous ces « migrants », peut-être faut-il effectivement les accueillir de toute manière avec tous les risques que cela comporte. Mais en tous les cas je pense que l’exigence chrétienne de vérité doit aussi nous pousser à dénoncer cette manipulation et à ne pas adapter notre pratique de la charité au discours médiatique trompeur.