Quel cadeau à Noël ?
17 décembre, 2013   //   Par :   //   billets, eglise, droit canonique   //   Les commentaires sont fermés.   //   5512 Vues

Chaque année, cette question cruciale reprend vie à une époque plus ou moins précoce. La plupart du temps, les magasins nous aident à nous la poser, veulent nous aider à y répondre, veulent nous aider à n’oublier personne. Tout le monde s’y met : magasins, boutiques, journaux. Les sapins se dorent et se colorent … l’hiver est censé s’installer et la neige aussi pour faire la joie des skieurs dont je suis ! Nos maisons s’illuminent, les cuisinières s’affolent et courent après les idées de menus. On lance les invitations, on écrit les cartes de vœux, etc. Partout, on entend de la musique de circonstances … Bref, c’est la fête, et dans la cheminée (quand elle existe encore ou qu’elle n’est pas interdite … sic), les cadeaux s’empilent.

Étonnant paradoxe … car la crèche, à y regarder de plus près, malgré les guirlandes illuminées, la neige artificielle, et tous les santons que l’on veut bien ajouter, la crèche reste bel et bien un lieu de pauvreté extrême, absolument indigne du Dieu trois fois saint, du Roi de Gloire, de Sa Majesté, d’un Dieu voulant naître parmi les hommes.

Si je devais m’improviser metteur en scène de la venue au monde du Seigneur, je commencerai par renvoyer celui qui nous a fait cette mise en scène pauvre et indigne ! C’est vrai : pas même une auberge, mais une étable ! Que dis-je ? Une simple grotte, sans chauffage, mis à part le bœuf et l’âne que l’on oublie rarement dans nos crèches. Comme le disait le prophète Isaïe, il n’y a plus que le bœuf et l’âne pour reconnaître leur créateur. Je me demande parfois si le prophète ne dit pas vrai …

« Le bœuf connaît son propriétaire, et l’âne la maison de son maître,
mais Israël ne la connaît pas, mon peuple ne comprend pas »
(Is 1, 3).

 

Et pour cadeaux de naissance ?

Rien ! de pauvres langes pour emmailloter cet enfant, une mangeoire en guise de landau ou de lit, des bergers sans doute un peu bourrus venant lui dire bonjour, et des mages venus d’on ne sait où … un peu à côté de la plaque, sans doute : de la myrrhe, de l’encens et de l’or. Pour un bébé … Et pourtant, voilà ! Le Seigneur veut bel et bien nous mettre face à ce paradoxe : il est venu pauvre parmi les plus pauvres, manquant de tout à la crèche. Dieu se fait pauvre et mendiant : voilà ce qu’est la fête de Noël. On pourra toujours essayer de gommer cet aspect essentiel – et remarquez que la société s’y essaie tous les ans un peu mieux –, mais l’évangile et la liturgie nous remettront d’année en année face à ce Dieu d’une humilité sans pareil : il vient dans ta vie comme un bébé manquant de tout.

Mais, revenons à notre question de départ. Nous faisons des cadeaux à beaucoup de monde. On fera la fête pour la naissance de Jésus et pourtant, y aura-t-il un cadeau pour lui au pied de la crèche ? Qu’allons-nous lui offrir ? N’offre-t-on pas un cadeau pour un anniversaire ? Or, c’est bien son anniversaire ! Même si nous savons que le 25 décembre n’est qu’une date symbolique, nous célébrons sa naissance ce jour-là. Que peut-on bien offrir au Seigneur pour sa venue dans notre monde ? En y réfléchissant, il faut avouer que le Seigneur a déjà tout : un Royaume immense (on se l’imagine comme on peut), des serviteurs, ses anges et des saints à n’en plus finir. Bref, il est Dieu ! De quoi pourrait-il manquer, que l’homme dans sa petitesse pourrait lui offrir ? Rappelons-nous pourquoi Dieu s’est incarné dans notre monde. Pourquoi Jésus est-il né ? De quoi vient-il nous sauver, comme nous aimons le répéter au fil du temps et de nos liturgies ? Il vient nous sauver de nos péchés, de notre mort.

Si Dieu vient dans cet enfant, c’est justement pour nous poser cette question : as-tu envie d’être sauvé par Lui ? de manière humble et discrète, mais bel et bien sauver ! De manière simple pour ne pas nous effrayer. Notre souci fondamental ne réside pas tant dans ses péchés, mais plutôt dans notre orgueil à vouloir se sauver nous-mêmes, voire même penser qu’il n’y a plus de salut nécessaire. Le Ciel, le Paradis, nous serait comme un dû.

Or – et Noël nous le montre bien – un cadeau ne se mérite pas, ne se doit pas, mais il se reçoit. Un cadeau n’est pas un dû, mais un don ! Aujourd’hui, beaucoup de nos contemporains, de chrétiens même, croient que le Ciel est ouvert, comme un moulin, que leur place est déjà toute faite ; et c’est vrai, tout le monde a envie d’être sauvé ! Mais cela va encore loin : plus que de reconnaître que nous voulons être sauvés, il nous faut reconnaître que nous avons besoin d’être sauvés. Oui, j’ai besoin de Dieu !

On raconte une petite histoire au sujet de saint Jérôme (que je raconte ici de mémoire) : à la fin de sa vie, Jérôme avait beaucoup donné au Seigneur ; il avait tout donné. Ermite, il avait donné son cœur, son corps en son célibat, ses biens, son intelligence (il avait traduit toute la bible en latin !). Bref, il avait tout donné ; apparemment et légitimement, il pensait voir tout donné. Le Seigneur, dans sa prière, vint lui dire : « Jérôme, tu ne m’as pas tout donné ». Jérôme rechigna un peu et contesta (on le comprend !). Mais le Seigneur lui redit : « Jérôme, tu ne m’as pas tout donné. Tu ne m’as pas donné ton péché. Donne-le-moi et je pourrais te sauver, accomplir mon salut en toi. »

Alors voilà le cadeau que nous pourrons peut-être faire au Seigneur à la crèche, dans quelques jours : lui présenter notre pauvreté, notre péché, pour qu’il vienne nous sauver. En fait, nous pourrions vivre ce Noël comme un vrai Noël : en accueillant dans nos vies l’enfant de la crèche qui me dit : « Je suis venu pour toi ! Je suis te sauver. Je suis t’aimer. Donne-moi ton péché, montre-moi ta vie, et je te donnerai ma vie ! » Ainsi, le salut du Seigneur ne sera pas un dû que nous réclamerions à la fin de notre vie comme des enfants gâtés, mais un enfant-Dieu à accueillir d’année en année.

rois-magesJe nous le rappelais : pour accueillir l’enfant de la crèche, il nous faut entrer toujours plus dans un chemin d’humilité envers Dieu. Humilité pour se reconnaître comme un mendiant, comme un pauvre qui a besoin de Dieu. L’homme ne pourra se sauver lui-même. La science, la médecine, toutes nos richesses, notre intelligence même, et que sais-je encore, ne sauveront jamais personne. On se s’approche de Dieu qu’humblement. On est approché par Dieu que quand on désire être humble et pauvre de cœur.

Regardez Marie et Joseph ; regardez ceux qui se sont approchés de la crèche en cette nuit très sainte. C’est pour cela que Dieu vient sous la forme d’un enfant : face à un bébé, nous sommes obligés de lâcher toutes nos idées, nos conceptions, nos grands discours, nos richesses, notre science même de Dieu. Un enfant ne se tient pas dans les bras quand on a les mains pleines ! Un enfant ne s’apprivoise pas avec des discours, mais avec des areuh-areuh, des gouzi-gouzis. Même notre discours s’appauvrit, se simplifie, face à l’enfant de la crèche.

Comment pourrions-nous rendre toute sa place à ce mystère si grand d’un Dieu qui se fait homme ? La mort et la Résurrection du Christ nous sont rappelées à chaque messe : c’est bel et bien le mystère central de notre Rédemption. Mais Noël est célébré chaque année, et mis à part l’Avent et une petite phrase dans notre Credo, qui nous sert de piqûre de rappel, nous avons bien du mal à méditer ce mystère et cette réalité de l’Incarnation du Fils de Dieu. Or, il n’y a pas de joie pascale sans la joie de la Nativité. C’est bien parce que Jésus s’est fait homme, qu’il a pu nous sauver en prenant sur lui notre vie et notre mort. Pourquoi alors ne pas prier régulièrement l’Angélus ?

Qu’est-ce que l’Angélus ? Une prière assez simple et brève, récitée sous forme d’un dialogue lorsque l’on est plusieurs et que l’on termine par un « Je vous salue Marie », pour nous rappeler l’Incarnation du Fils de Dieu :

« L’ange du Seigneur porta l’annonce à Marie ;
– et elle a conçu du Saint-Esprit.

Voici la servante du Seigneur !
– qu’il me soit fait selon ta parole.

Et le Verbe s’est fait chair ;
– et il a habité parmi nous ».

Cette prière très ancienne a été inventée et répandue dans l’Église pour rappeler aux hommes à divers moments de leur journée que Dieu, leur Dieu, est venu s’incarner un jour de notre histoire. Et cette prière nous rappelle aussi que Dieu attend une réponse, à chaque instant de nos journées. Ainsi notre vie se trouvera encore un peu plus habitée par la présence de Dieu.

Père Cédric Burgun

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