Un nouveau dicastère pour la famille et les laïcs ? Une bonne nouvelle … à imiter !
23 octobre, 2015   //   Par :   //   a chaud, eglise, droit canonique   //   1 commentaire   //   4780 Vues

Jeudi 22 octobre 2015, en la fête de saint Jean-Paul II, pape de la famille, le pape François a annoncé la future création d’un nouveau dicastère pour les laïcs et la famille, regroupant deux conseils pontificaux : celui pour les laïcs et celui pour la famille, tous existant. Le terme de « dicastère » est un terme générique qui désigne un organisme autonome de la Curie romaine, en charge d’un domaine spécifique de la compétence pastorale du Pape. En bref, et par analogie politique, un ministère.

L’histoire de la Curie romaine a toujours exprimé son lien étroit avec le Pape

Elle en est l’instrument comme l’exprime le canon 360 du Code latin de Droit canonique :

« La Curie Romaine dont le Pontife Suprême se sert habituellement pour traiter les affaires de l’Église tout entière, et qui accomplit sa fonction en son nom et sous son autorité pour le bien et le service des Eglises, comprend la Secrétairerie d’État ou Secrétariat du Pape, le Conseil pour les affaires publiques de l’Église, les Congrégations, Tribunaux et autres Instituts ; leur constitution et compétence sont définies par la loi particulière. »

Le Concile Vatican II l’avait exprimé en Lumen Gentium, au n°18 traitant de la curie comme d’un auxilium, d’un instrumentum et le décret Christus Dominus, au n°9 l’expliquait aussi :

« Dans l’exercice de son pouvoir suprême, plénier et immédiat sur l’Église universelle, le Pontife romain se sert des dicastères de la curie romaine ; c’est donc en son nom et par son autorité que ceux-ci remplissent leur charge pour le bien des Églises et le service des pasteurs. »

Le Pontife Suprême « se sert » donc de la curie, dont l’évolution « sociologique » est liée à la société et au contexte lui-même. Or, mis à part la Secrétairerie d’État qui a un rôle très spécifique, il y a quatre types de dicastères : des congrégations, des tribunaux pontificaux, des conseils pontificaux, et des offices. Laissant ici de côté les offices et les tribunaux, la différence entre les congrégations et les conseils pontificaux se situent surtout en fonction de leur autorité : les congrégations exercent un véritable pouvoir exécutif vicaire de gouvernement (exercé au nom du Pape ; c’est le sens de « pouvoir vicaire ») pour toute l’Église, alors que les Conseils pontificaux ont surtout une tâche de promotion, d’information et d’études, sans véritables attributions gouvernementales.

Certes, tous ces organismes agissent « au nom et sous l’autorité du pape ». La curie romaine n’est donc jamais un organisme de la collégialité épiscopale, de la synodalité ; bien au contraire, elle est exclusivement au service du pape, de son autorité et de son pouvoir de gouvernement sur l’Église, qui est au service de cette collégialité, oui, mais par son autorité. Apparemment, le pape choisirait d’en faire une congrégation et non pas seulement un conseil pontifical. Alors que beaucoup de médias ont souligné combien le synode aurait voulu « déléguer » la réflexion sur la famille aux conférences épiscopales et aux évêques, en fonction des lieux et des cultures, cette annonce du renforcement de l’autorité du dicastère en charge de la famille et des laïcs, vient, me semble-t-il, infirmer cela !

Nous ne savons pas si la future congrégation regroupera tout ou partie des compétences des deux anciens conseils pontificaux.

* Le Conseil pontifical pour les laïcs était « compétent dans les matières qui relèvent du Siège apostolique pour la promotion et la coordination de l’apostolat des laïcs et, en général, dans les matières qui concernent la vie chrétienne des laïcs en tant que tels » (Pastor bonus, art. 131). « Il lui revient d’animer et de soutenir les laïcs afin qu’ils participent à la vie et à la mission de l’Eglise de la manière qui leur est propre, soit individuellement, soit groupés en associations, de façon qu’avant tout ils remplissent leur devoir particulier d’imprégner de l’esprit évangélique l’ordre des réalités temporelles » (art. 133) ; Il « favorise la coopération des laïcs dans la formation catéchétique, la vie liturgique et sacramentelle, et les œuvres de miséricorde, de charité et de promotion sociale » ; et « suit et dirige des rencontres internationales et autres initiatives se rapportant à l’apostolat des laïcs » (art. 133).

* Le conseil pontifical pour la famille promeut la pastorale de la famille et en favorise la dignité dans l’Église et la société civile. Un Comité pour la Famille avait déjà été créé par le pape Paul VI en 1973 : celui-ci fut transformé par le pape Jean-Paul II en Conseil pontifical, rehaussant déjà son autorité, en 1981. Il était chargé d’aider les familles chrétiennes à remplir leur mission éducative et apostolique dans le monde. Compétent pour s’exprimer sur les questions de morale sexuelle et familiale, la spiritualité conjugale et de la famille, la préparation au mariage, les questions démographiques, les problèmes de la bioéthique, les législations étatiques concernant le mariage, la famille, et les politiques familiales.

Faut-il se réjouir de cette annonce ? Oui, bien sûr !

In fine, faut-il se réjouir de cette annonce ? Oui, bien sûr ! Elle est loin d’être un simple effet d’annonce : s’il est encore trop tôt pour connaître le contenu de ses règles de fonctionnement et de ses compétences – une commission est créée pour cela – la famille et les laïcs ne seront plus seulement l’objet d’une promotion et d’une information, mais d’une attention toute particulière du Pape qui y met son autorité : le nouveau dicastère serait apparemment une congrégation, avec le pouvoir qui lui revient.

Mais quoi qu’il en soit, cette annonce est aussi une mise en mouvement de l’Église : la pastorale familiale ne pourra plus se permettre d’une pastorale annexe ou une pastorale à côté des autres dans la vie de l’Église. Par cet acte de gouvernement, le Pape nous montre le chemin de la véritable place de la pastorale familiale dans l’Église : elle doit devenir une priorité de la vie de l’Église ; c’est peut-être là une des conclusions du synode. Comme l’avait dit saint Jean-Paul II, « la famille devrait être la première école de religion, la première école de prière ». Lui redonnera-t-on par là sa véritable autorité ? Le Motu Proprio de septembre dernier sur la réforme des procès de nullité de mariage le laissait déjà entendre en parlant d’un « cadre unitaire de la pastorale familiale ».

Il ne nous suffira pas d’applaudir la réforme institutionnelle que le Pape François est en train de mettre en œuvre. Les diocèses sont appelés à imiter cette réforme en se dotant eux-mêmes d’un véritable organe compétent de pastorale familiale. Un certain nombre s’était interrogé sur la compréhension de ce « cadre unitaire de la pastorale familiale » évoqué par le Pape : nous avons, dans l’annonce de la création du dicastère, une clef de compréhension. Il reste à le mettre en œuvre.

Père Cédric +

1 commentaire pour “Un nouveau dicastère pour la famille et les laïcs ? Une bonne nouvelle … à imiter !”
  • do_marie
    23 octobre 2015 -

    il me semble que des communautés comme l’Emmanuel pourraient jouer un rôle important dans la création ou le fonctionnement de ces organes de pastorale familiale !
    elles ont un vrai savoir faire, et le monde a soif de cela.
    (à ce sujet, un livre à promouvoir, écrit par un couple ami, elle étant sage femme :
    http://issuu.com/editionstequi/docs/ils_ont_ose_les_methodes_naturelles )