L’avent : un temps tourné vers la fin
2 décembre, 2013   //   Par :   //   billets, eglise, droit canonique   //   2 commentaires   //   6501 Vues

Le temps de l’avent nous tourne vers la « parousie », vers la venue finale du Christ, nous l’avons vu (et j’ai eu l’occasion de faire un billet au moment de la Toussaint, déjà), mais encore faut-il savoir ce qui s’y passe ! Ce qui se passera à la fin des temps est une vraie question qui habite chacun de nous. Elle traverse les âges, les temps, les civilisations, les sociétés. Elle habite tous nos contemporains et elle habitera ainsi le cœur de tous ceux qui nous suivront sur notre terre.

À chaque messe, nous proclamons l’anamnèse : « Viens Seigneur Jésus ! ». C’est un des cœurs de la messe, c’est un des cœurs de nos existences de baptisés (ou ça devrait l’être …). Mais qu’attendons-nous réellement ? savons-nous ce que nous attendons ? À cette question, la foi chrétienne apporte des réponses et non des moindres : toute la Bible, l’Ancien Testament comme le Nouveau, parle des deux jugements distincts de Dieu. Il y a le jugement dernier, lorsque Dieu reviendra dans sa gloire (on l’appelle la Parousie) et le jugement particulier que vivra chaque homme à sa mort.

Le Jugement particulier de Dieu

Lorsqu’il y a quelques années de cela, j’ai été voir mon père spirituel, malheureusement sur son lit de mort (un cancer du cerveau qui l’emporta assez jeune), il me laissa comme ce dernier message, à 8 jours de son départ : « ne pas vivre comme si nous avions l’éternité pour nous convertir ; et vivre une journée comme si c’était la seule qu’il nous restait pour aimer ». Cela ne m’a jamais quitté.

On ne peut pas croire, avec tout ce que nous dit Jésus, à un salut automatique des hommes, sans engagement de leur part. Certes, Jésus a déjà réalisé le salut de tous les hommes ; mais il reste à chaque homme à l’accueillir, et non seulement dans l’amour et dans la miséricorde de Dieu, mais aussi dans la vérité : qu’est-ce que ma vie face aux commandements de Dieu ?

L’amour ne s’accueille que dans la liberté. Et on le comprend aisément : un homme peut-il obliger sa femme à l’aimer ? Un ami peut-il obliger un autre ami à l’aimer, à l’apprécier ? Un frère peut-il obliger son propre frère à l’aimer ? Non. Avec Dieu aussi, chacun d’entre nous devra faire le choix – ou non – de l’accueillir. Sur cette terre, ce choix se fait au quotidien. Chaque jour nous pouvons redire oui au Seigneur, comme chaque jour un couple doit se re-choisir par exemple. Chaque jour, nous « accumulons » des petits oui et des petits non que nous disons au Seigneur ; ils sont autant de petits pas qui disposent, ou non, notre âme au « oui » final. Ils disposent notre cœur à LA rencontre. Cette réponse finale devra donc être une réponse de foi et d’amour signifiant au plus intime de nous-mêmes cette liberté fondatrice de notre humanité et de l’amour.

Au moment de notre mort, nous pourrons faire ce pas de l’abandon et dans la vérité de Dieu : est-ce que j’accepte de mettre tout ce qui a été ma vie à Sa Lumière ? Si oui, il m’ouvre les bras ! Si non, un autre lieu s’ouvrira pour moi : ce lieu du refus de l’amour (l’homme peut lui dire « non » bien sûr), ce lieu du « non-amour » possible puisque mon libre arbitre l’aura refusé. On l’a toujours appelé « l’enfer ». Appelez-le comme vous voulez : pour moi, le lieu de la non-présence de l’amour de Dieu ne peut pas être autre chose qu’infernal ! Ce sera ce lieu où l’homme prendra éternellement conscience d’avoir refusé Dieu. Le diable crève, dans son orgueil, d’avoir face à lui ce Dieu qui le laisse libre, par amour, de ne pas l’aimer. Il n’y a pas de pire souffrance que d’être face à cet amour qui veut se donner et que l’on refuse, dans une solitude éternelle. Il est existe donc réellement cet enfer ; car sans lui, cela signifierait que l’homme ne serait pas libre dans l’amour, vis-à-vis de l’amour, celui de Dieu, en étant obligé de l’accueillir et de l’aimer en retour. C’est pourquoi l’enfer demeure malgré tout une bonne nouvelle de notre liberté face à l’Amour qui se livre.

Si l’homme, à sa mort, accepte d’être humblement sous le regard de son Dieu, alors Dieu, de par ce qu’il est, lui pose une autre question : ta vie a-t-elle été en accord avec ma volonté ? Objectivement, pourra-t-on répondre « oui » à une telle question ? Je ne pense pas … Il se trouve alors cet autre lieu où l’on se « purifiera » de tous nos manques d’amour, de tout ce qui dans notre vie a besoin d’être purifié. Nous n’arriverons peut-être pas « saints » à notre mort. Et que tous ceux qui se disent « oh je n’ai rien fait de mal durant ma vie » se posent, en leur âme et conscience, de sérieuses questions sur leur humilité face à Dieu. Peut-être n’a-t-on rien fait de mal … mais au premier commandement, celui de l’amour, peut-on y correspondre totalement dans la perfection de l’amour ? L’existence de cette « antichambre » du ciel, le purgatoire, est attestée déjà dans l’Ancien Testament. Non, ce n’est pas une invention des théologiens comme disent certains ! C’est le 2ème livre des Maccabées qui témoigne que des Juifs, déjà, offraient des offrandes au Temple pour le salut de l’âme des fidèles défunts. Pourquoi ? Parce que déjà à cette époque, ils avaient conscience que le défunt ne mourrait pas pur de tout péché et qu’il lui fallait donc réparer ses fautes, racheter ses péchés, préparer son coeur à la rencontre de Dieu, dans un dernier acte avant d’entrer au Ciel.

Nous sommes tous responsables du salut de nos frères. Ici-bas et au-delà. Et nous serons sans doute bienheureux que des chrétiens prient pour nous-mêmes quand nous y serons, espérons-le ! Nous croyons en « la communion des saints » (nous le proclamons tous les dimanches dans le Credo) que Dieu, dans sa bienveillance, a permise. Prenons-en encore un peu plus conscience.

Et les saints alors ? Passent-ils par le purgatoire ? Eh bien oui et non ! Il faut distinguer les saints … des saints : il y a la foule innombrable de tous ceux qui sont arrivés au Ciel, auprès de Dieu : il y a tous ceux qui ont achevé cette purification de leur vie et ceux qui n’en ont pas eu besoin. Mais tous ceux-là sont saints et sont auprès de Dieu.

Certains effectivement n’ont pas eu besoin de passer par le purgatoire. Cela ne veut pas dire qu’ils étaient sans péché. Il faut sortir de cette idée que la sainteté serait une perfection morale. Ils se confessaient comme vous et moi, et encore plus à la fin de leur vie, justement. Mais alors ? Par leur union au Christ, par leur vie donnée, par leurs souffrances offertes, ils ont déjà fait « pénitence ». Dans sa miséricorde, Dieu sait bien qu’ils ont déjà purifié leur cœur, malgré leurs fautes, leurs péchés, leurs faiblesses. Ce peut-être le cas des martyrs qui, par l’effusion de leur sang et le don de leur vie, ont largement participé à cette pénitence et signifié qu’ils ont accueilli Dieu dans leur vie.

Les saints canonisés sont ceux qui ont été reconnus comme tels par l’Église. Mais en fait, il n’y a pas de différence entre les saints inconnus du Ciel et ceux que l’Église a canonisés. Pour ces derniers, l’Église assure, par son magistère et son ministère, après une longue enquête et un miracle – qui est la confirmation divine – qu’ils sont bien au Ciel auprès de Dieu. Elle nous donne ainsi leur vie en exemple. Non pas seulement leur bon côté, mais aussi comment ils ont pu, par leur vie, faire pénitence et se purifier. Comment ils ont « gagné le bon combat » comme dit saint Paul.

Et le Jugement dernier, la parousie ?

La parousie sera ce moment, le dernier, où Jésus reviendra ! Là aussi est la vraie raison d’espérance : Dieu vaincra ! De toutes les manières, la Vérité éclatera. Et nous connaissons, nous, ce grand vainqueur. Déjà. Un jour, dont nous ne savons ni le jour ni l’heure, comme nous l’a encore dit Jésus dans l’évangile du 1er dimanche de l’avent (cf. Mt 24, 44), ce sera le temps du Règne final et total de Dieu. Ce sera la « Résurrection pour tous » !

À notre mort, notre corps tombe en poussière. Notre âme « s’envole » vers l’éternité, en enfer ou vers le paradis, éventuellement via le purgatoire. Or, nous sommes corps et âme. Nous ne sommes pas de ceux qui dénigrent la beauté du corps, la sainteté du corps. Notre corps est beau, et il attend lui aussi sa délivrance. Dieu nous veut au ciel corps et âme, comme le disait Job : « de mes yeux de chair, je verrai Dieu » ! À notre mort, il restera donc comme une « souffrance au ciel », en attente : pour chacun d’entre nous, il nous manquera notre corps. Or, nous avons deux exemples : le Christ et la Vierge Marie. Dieu nous a créés corps et âme. Il veut donc nous sauver corps et âme. Et nous serons en attente de ce salut final, de cette résurrection finale jusqu’à la parousie. Et comme l’homme est corps et âme, cela s’appliquera à tous : au ciel ou en enfer. Nous vivrons ce choix définitif jusque dans notre corps.

L’avent et la crèche en seront un bon exemple : nous célébrons la venue de Dieu en notre chair. Dieu veut nous sauver y compris dans notre corps, avec notre corps. Dieu nous rejoint par notre corps et dans notre corps (comme à l’eucharistie). Je suis frappé de voir combien aujourd’hui nous sommes entrés dans une dichotomie entre notre vie de foi et le reste. Dieu n’aurait-il des choses à nous dire que dans le domaine spirituel ? Pourquoi refuser à Dieu sa parole en tous les domaines de notre vie ? Souvent, on ne vit plus sa foi avec son corps, en l’ayant bien trop « intellectualisé » ! À nous de redécouvrir cette unité entre foi et corps. La crèche nous y aide.

Dieu lui-même s’est fait chair. La parousie n’est donc pas ce temps de rêve où nous levons la tête comme pour nous échapper de cette vie. La parousie est donc cette fin qui nous engage à vivre notre vie pleinement, corps et âme, sous le regard de Dieu. L’avent est donc bien le temps de l’engagement : habiter cette vie pleinement, à l’image de Dieu lui-même !

Père Cédric Burgun

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