A propos du synode des évêques …
Le prochain synode des évêques, convoqué par le Pape François, pour réfléchir aux questions relatives à la famille, s’ouvrira le 5 octobre prochain. Le Vatican a d’ailleurs publié hier la liste des participants, avec une note, disponible ici. Il y est rappelé que « le but de cette rencontre est de proposer la beauté et les valeurs de la famille, qui découlent du message de Jésus-Christ… Signifiant faire route ensemble, synode est le mot qui indique le lieu ecclésial où l’on convient de se rencontrer et de réfléchir, dans la double fidélité à Dieu et à l’homme, face aux actuels défis de la famille. »
Beaucoup de questions se posent sur ce synode, et avant même son contenu, c’est son fonctionnement qui interroge. Je me propose donc de donner, sur mon blog, quelques clefs de compréhensions canoniques, en deux ou trois billets.
Le synode des évêques : assister le Pape dans son gouvernement de l’Église
Le canon 334 du Code de Droit canonique le dit explicitement :
« Les Évêques assistent le Pontife Romain dans l’exercice de sa charge en lui apportant leur collaboration sous diverses formes, entre autres celle du Synode des Évêques. Il est aidé en outre des Pères Cardinaux ainsi que par d’autres personnes et par diverses institutions selon les besoins du moment ; toutes ces personnes et institutions remplissent en son nom et sous son autorité la tâche qui leur est confiée pour le bien de toutes les Églises, selon les règles définies par le droit. »
Le synode des évêques a donc une tâche claire : assister le Pape dans son gouvernement de l’Église, ce qui signifie aussi que cette institution du Synode n’est pas titulaire de l’autorité suprême dans l’Église (en clair, ce n’est pas un parlement qui peut légiférer !), mais une assemblée de coopérateurs à l’autorité suprême qu’est le pape.
Le droit canonique actuel, et ce canon en est un bon exemple, comporte un vrai fondement doctrinal qu’est une certaine théologie de l’épiscopat. Et, en cela, je voudrai faire une parenthèse qui est en fait un point d’attention. Quand nous parlons de structure de gouvernement dans l’Église (et le synode est considéré ainsi par bon nombre), nous pouvons avoir deux tentations que Benoit XVI a bien décrites lors d’un discours aux évêques de l’ouest de la France, le 24 septembre 2012 :
« Vous désirez que les regroupements paroissiaux que vous êtes amenés à mettre en place permettent une qualité des célébrations et une riche expérience communautaire, tout en appelant à une nouvelle valorisation du dimanche. Vous l’avez relevé dans votre note sur « les laïcs en mission ecclésiale en France». J’ai moi-même eu l’occasion de souligner à plusieurs reprises ce point essentiel pour tout baptisé. Toutefois la solution des problèmes pastoraux diocésains qui se présentent ne saurait se limiter à des questions d’organisation, pour importantes qu’elles soient. Le risque existe de mettre l’accent sur la recherche de l’efficacité avec une sorte de «bureaucratisation de la pastorale», en se focalisant sur les structures, sur l’organisation et les programmes, qui peuvent devenir « autoréférentiels », à usage exclusif des membres de ces structures. Celles-ci n’auraient alors que peu d’impact sur la vie des chrétiens éloignés de la pratique régulière. L’évangélisation demande, en revanche, de partir de la rencontre avec le Seigneur, dans un dialogue établi dans la prière, puis de se concentrer sur le témoignage à donner afin d’aider nos contemporains à reconnaître et à redécouvrir les signes de la présence de Dieu. »
Deux tentations au sujet de l’Eglise: absolutiser ou nier les structures
Cette réflexion de Benoit XVI doit donc nous garder d’une double tentation. La première serait d’absolutiser les structures et tout attendre d’elles ! Certains attendent tout du synode. Or, comme le disait le pape maintenant émérite, tout problème pastoral ne se limite pas à une question d’organisation ou de structure. Ce risque menace tout esprit quelque peu empreint de juridisme qui ne veut voir dans l’Église que son organisation, à l’instar de celui ne reconnaît la Nation que dans l’État. Or, l’Église n’est pas d’abord une organisation ; ses institutions ne sont qu’un support nécessaire et indispensable à l’accomplissement de sa mission : si la finalité spirituelle passe par le biais de structures temporelles, l’Église déborde largement ces cadres institutionnelles.
Il y a cependant une spécificité des structures ecclésiastiques, c’est-à-dire que celles-ci se distinguent, en partie, de tout autre groupe socio-politique ; mais il y a certains points de regroupements qui permettent aussi une étude de sociologie politique. L’Église a donc son propre langage, ses concepts théologico-canoniques d’autorité de pouvoir, d’organisation, etc., que beaucoup de nos contemporains ont du mal à appréhender par manque (et je le dis sans jugement, aucun) de culture chrétienne et religieuse. Mais, il faut bien considérer aussi que les structures ecclésiastiques n’échappent pas, pour une part, au principe d’incarnation, c’est-à-dire qu’elles sont conditionnées, qu’on le veuille ou non, par ces mêmes notions telles qu’elles sont comprises dans l’ordre étatique.
La seconde tentation, a contrario, est le déni des réalités structurelles, se confinant à une spiritualisation à outrance de la réalité ecclésiale. Notre temps est peut-être marqué par cela. Il plaît à certains fidèles de l’Église (clercs ou laïcs d’ailleurs) de se désintéresser de la structure ecclésiastique comme si, d’emblée, elle ne pouvait pas avoir de réalité et d’efficacité « pastorale » (terme souvent passepartout). Certains sont déjà « pessimistes » sur le synode comme s’il fallait ne rien en attendre !
Bref, nous voulons éviter d’un côté l’anthropocentrisme qui ferait de l’Église une telle communauté d’hommes (seulement) qu’on en oublierait ses fondements divins : l’Église ne fait pas ce qu’elle veut et la première de ses missions est de discerner quelle est la loi de Dieu, immuable et pour notre temps ! Et d’un autre côté, il nous faut éviter un angélisme tel qui, oubliant l’homme et sa réalité (dans ce qu’il a de plus beau et de plus sombre), voudrait faire vivre l’Église uniquement d’amour et d’eau fraîche ! Vous me pardonnerez cette expression … bref, oublier tout simplement le principe d’incarnation : oui, l’Église a besoin de structures pour fonctionner. Alors, oui, ces structures ne sont pas parfaites ; oui, elles peuvent sans doute être améliorées ; mais, oui, aussi, l’Église en a besoin. Et s’il faut se garder d’appliquer strictement un schéma étatique aux institutions ecclésiales, nous ne devons pas perdre de vue le caractère original de l’Église et de son gouvernement. Le droit canonique est toujours à la fois le reflet, l’expression du droit divin (ce qui est immuable et qui ne change pas, car il provient de Dieu même) et du droit ecclésiastique (ce que l’Église se donne comme loi à un moment donné de son histoire au service sa mission).
Une mission de collaboration
Parmi les collaborateurs du Pape, il y a en premier lieu les évêques qui l’aident de multiples manières. Or, une de ses manières nouvellement instituées dans l’Église (elle date du dernier Concile, dans sa forme actuelle) est le synode des évêques, à ne pas confondre avec le collège cardinalice.
Si l’on dit que le synode des évêques est une institution nouvelle, il faut tout de même se souvenir qu’au Moyen Âge déjà, le Pape réunissait les évêques proches géographiquement pour un synode « romain », avant que les cardinaux ne remplacent cette institution ancienne. Le synode tel que nous le connaissons aujourd’hui a été créé par le futur bienheureux Paul VI (il sera béatifié par le Pape François à la fin du synode prochain), pendant le concile Vatican II où les évêques demandaient, à juste titre, une plus grande collégialité dans l’exercice de l’autorité dans l’Église. C’est le 14 septembre 1965, que Paul VI, dans un discours d’ouverture à la 4ème session du concile, annonçait la création de cette institution, et promulguait le Motu proprio Apostolica sollicitudo qui en donnait le fonctionnement général. Le Pape, à la suite du Concile, voulait un organisme d’évêques qui apporte sa collaboration au Pape pour le gouvernement de l’Église. Et le Concile Vatican II « intégra » cette donnée dans le Décret Christus Dominus, sur la charge pastorale des évêques :
« Les évêques choisis dans les diverses régions du monde, selon des modes et des normes établis ou à établir par le Pontife romain, apportent au Pasteur suprême de l’Église une aide plus efficace au sein du conseil, qui a reçu le nom de Synode des évêques. Et du fait qu’il travaille au nom de tout l’épiscopat catholique, ce synode est en même temps le signe que tous les évêques participent en une communion hiérarchique au souci de l’Église universelle » (n°5).
La première assemblée générale du synode des évêques eut lieu en 1967, deux ans après la fin du Concile Vatican II.
Père Cédric BURGUN
2nd billet billet : « Le synode, expression de la collégialité épiscopale »
3ème billet : « Le synode : son fonctionnement et son sujet »
Xavier BOUTIN
10 septembre 2014 -
Merci, Père Cédric pour ce premier éclairage très intéressant.
J’attends le suivant avec impatience…
Bien cordialement
Xavier BOUTIN