Le synode du courage …
13 octobre, 2014   //   Par :   //   a chaud, eglise, droit canonique, Synode 2014   //   2 commentaires   //   5748 Vues

En partenariat avec le magazine « Il est Vivant ! »

On en dira ce que l’on veut, ce synode est une révolution ! Mais pas la révolution que l’on croit … pas la révolution qu’on voudrait nous faire croire. Sans occulter la question des divorcés remariés, la Relatio post disceptationem (Rpd) publiée ce matin, qui est le document bilan à mi-chemin du synode, montre combien les pères synodaux ont fait preuve de courage pour demander d’abord à l’Église ad intra une véritable conversion ! Car la première des conclusions du Synode se situe là : nous, les chrétiens catholiques, sommes en fait très loin des enjeux et des défis de la pastorale familiale : là est la première des vérités qu’il nous faut voir et entendre.

Le but du synode est clairement détaillé : il s’agit d’écouter le monde « pour regarder la réalité de la famille aujourd’hui, dans la complexité de ses lumières et de ses ombres ; le regard fixé sur le Christ pour repenser, avec fraîcheur renouvelée et enthousiasme ce que la révélation transmise dans la foi de l’Église, nous dit sur la beauté et la dignité de la famille ; la confrontation à la lumière du Seigneur Jésus pour discerner les voies grâce auxquelles renouveler l’Église et la société dans leur engagement en faveur de la famille. » (Rpd, n°4).

Ce sont bel et bien les difficultés d’aujourd’hui que nous devons « contempler » si nous ne voulons pas vivre comme des « bobos-cathos » enfermés dans leur bulle (l’expression est de moi, bien sûr, et non pas du synode !). Le monde actuel valorise constamment une affectivité sans limites, une recherche du plaisir et de l’hédonisme sans contrôle ni discernement. Cette fragilité-là doit interroger nos pratiques pastorales si nous ne voulons pas uniquement tomber dans l’enseignement d’une théorie désincarnée. Le synode fait en effet ce constat douloureux : les jeunes couples, aujourd’hui, tombent facilement dans « une affectivité narcissique, instable et changeante qui (ne les) aide pas toujours à atteindre une plus grande maturité. Dans ce contexte, les couples sont parfois incertains, hésitants et ont du mal à trouver des manières pour grandir. Nombreux sont ceux qui tendent à demeurer aux premiers stades de la vie émotionnelle et sexuelle » (Rpd, n°10).

Et dans ce contexte, le Synode invite largement, et non seulement sur la question des divorcés remariés, à ne pas « envisager des solutions uniques ou s’inspirant de la logique du “tout ou rien” (qui ne serait pas) signe de sagesse. » (Rpd, n°40). Oui, « la crise du couple déstabilise la famille et peut arriver, au travers des séparations et des divorces, à produire des conséquences sérieuses sur les adultes, les enfants et la société, affaiblissant l’individu et les liens sociaux. Le déclin de la population ne détermine pas seulement une situation dans laquelle le remplacement des générations n’est plus assuré, mais risque de conduire, avec le temps, à un appauvrissement économique et à une perte d’espérance dans l’avenir. » (Rpd, n°10).

Les conséquences, pour les pères synodaux, sont donc très claires ; conséquences qu’ils osent affirmer dans de nombreux rapports : nos pastorales familiales sont loin d’écouter et d’être conscientes de ces défis. Les programmes sont bien souvent trop théoriques, au risque de tomber dans l’intellectualisme primaire : « C’est pourquoi une conversion missionnaire est requise : il ne faut pas se limiter à une annonce purement théorique et détachée des problèmes réels des personnes » (Rpd, n°28). Il nous faut former bien plus et bien mieux les fiancés ou encore les jeunes générations qui affrontent le monde avec une affectivité et une éducation à la sexualité loin de la maturité nécessaire ; il faut davantage former les prêtres sur les questions matrimoniales ainsi que les fidèles à la vie chrétienne du mariage lui-même.

C’est pourquoi le Synode appelle une nouvelle pastorale, une urgente conversion interne : « d’un commun accord, il a été rappelé que, dans la perspective familiale, une conversion de la pratique pastorale dans son ensemble est nécessaire pour dépasser les optiques individualistes qui la caractérisent encore » (n°32). Ce sont bel et bien nos pratiques pastorales qui, empreintes de l’individualisme ambiant, favorisent encore une vision du mariage trop restreinte et éloignée de la vérité !

Pour le synode, aujourd’hui, l’annonce de l’Évangile de la famille constitue l’urgence pour la nouvelle évangélisation ! « L’Église doit la réaliser avec la tendresse d’une mère et la clarté d’une maîtresse (cf. Ep 4,15), dans la fidélité à la kénose miséricordieuse du Christ. La vérité s’incarne dans la fragilité humaine non pas pour la condamner, mais pour la guérir. » (n°25). Saurons-nous y répondre ? Là est la première des questions que le synode pose à l’Église. 

Père Cédric BURGUN

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2 commentaires pour “Le synode du courage …”
  • Vincent Rouyer
    14 octobre 2014 -

    Etre conscient de la situation du monde, c’est en effet indispensable. Ecouter le monde sans distance et sans analyse en semblant lui donner raison contre l’enseignement de l’Eglise et des écritures comme certaines formulations ambiguës le laissent entendre c’est autre chose. Je crois en Toi Seigneur et en Ton Eglise, mais augmente en moi la foi, je crains d’en avoir grand besoin.

    • Père Cédric
      14 octobre 2014 -

      Vincent, il faut garder confiance en l’Eglise ! Ce document n’est pas un document final et il ne fait qu’établir un résumé des différentes interventions de la semaine passée. Rien de nouveau sous le soleil donc, comme dit la Bible. Je voulais ici, tout simplement, souligner les éléments nouveaux et essentiels, me semble-t-il, que ce document apporte, sans justement nous focaliser d’abord sur cette question des divorcés remariés.