Le synode, expression de la collégialité épiscopale
12 septembre, 2014   //   Par :   //   eglise, droit canonique, Synode 2014   //   5 commentaires   //   5610 Vues

Le synode, je l’ai dit dans mon précédent billet, est une institution récemment remise au jour dans l’Église et le Code actuel de droit canonique reprend les différentes dispositions (les canons 342 à 348) que Paul VI avait prises en son temps, avant la promulgation de l’actuel Code en 1983. La dernière « mise à jour » du règlement du Synode est récente puisqu’elle fut donnée par le pape Benoit XVI par un Rescrit d’audience de la Secrétairerie d’État le 29 septembre 2006.

Comment définir simplement un synode ?

On peut la définir comme une « assemblée d’évêques » choisis de par le monde, qui se réunissent pour un temps déterminé, afin de travailler ensemble un sujet préalablement défini par le Saint-Père. Cette assemblée doit favoriser une plus étroite communion entre le pape et les évêques, dans leur charge pastorale respective de l’Église ; les évêques, par l’assemblée synodale, aident donc le pape de leurs conseils. C’est pourquoi, comme je l’ai dit précédemment, les évêques assistent le Pape dans son gouvernement de l’Église, mais ce qui signifie aussi que le Synode n’est pas titulaire de l’autorité suprême dans l’Église. Dit autrement, ce n’est pas un parlement qui peut légiférer (le canon 343 est très clair à ce sujet : il n’appartient pas au synode « de trancher ces questions ni de porter des décrets, à moins que, dans des cas précis, il n’ait reçu pouvoir délibératif du Pontife Romain à qui il revient alors de ratifier les décisions du synode »), mais une assemblée de coopérateurs à l’autorité suprême qu’est le pape. On est loin du danger – certains croient le voir aujourd’hui – comme si l’institution synodale, si elle devenait permanente, serait le nouveau « conciliarisme » dans l’Église. Autrement dit, le Code de droit canonique a « réduit » la compétence du synode : son pouvoir est seulement consultatif, ce qui signifie discuter des questions à traiter et émettre des souhaits. Autrement dit, les avis du synode des évêques ne sont pas contraignants pour le Pape.

C’est pourquoi le canon 344 établit clairement que :

« Le synode des évêques est directement soumis à l’autorité du Pontife Romain à qui il appartient :
1) de convoquer le synode chaque fois que cela lui parait opportun, et de désigner le lieu où se tiendra l’assemblée ;
2) de ratifier le choix des membres à élire selon le droit particulier, de désigner et de nommer d’autres membres ;
3) de fixer en temps opportun, selon le droit particulier et avant la célébration du synode, la matière des questions à traiter ;
4) de préciser l’ordre du jour ;
5) de présider le synode par lui-même ou par d’autres :
6) de conclure le synode, le transférer, le suspendre et le dissoudre. »

Une « expression de la collégialité épiscopale »

Loin de là, le synode est avant tout une « expression de la collégialité épiscopale », comme l’avait dit saint Jean-Paul II en 1983, définie de manière plus profonde au Concile Vatican II, sans nier la mission pontificale de l’évêque de Rome, bien évidemment, membre de droit du synode (qui ne peut se réunir sans lui) : le pape est celui-là même qui le convoque ! Certes, après sa création, les débats furent nombreux au sujet de la nature de cette institution. Aujourd’hui, cette institution est assez « stable » et claire pour ne poser aucune question doctrinale quant à son autorité. Seuls les tenants d’une mauvaise compréhension de la démocratie dans l’Église croient y voir encore le futur du gouvernement ecclésial … Si, théologiquement, cela ne tiendrait évidemment pas, ce serait de plus une mauvaise compréhension de la démocratie confondue avec un parlementarisme primaire : le synode n’est pas une assemblée des députés de l’épiscopat mondial ! Mais là n’est pas notre sujet.

Les évêques participants au synode sont choisis des diverses régions du monde. Ainsi, la représentativité existe selon les sujets. Ainsi, un synode portant sur une partie précise du monde (comme le synode pour l’Afrique, en 2009) n’avait pas même composition et la même représentation des épiscopats qu’un synode ayant un sujet à portée universelle comme la famille.

Le canon 342 définit l’institution synodale comme suit :

« le synode des Évêques est la réunion des Évêques qui, choisis des diverses régions du monde, se rassemblent à des temps fixés afin de favoriser l’étroite union entre le Pontife Romain et les Évêques et d’aider de ses conseils le Pontife Romain pour le maintien et le progrès de la foi et des mœurs, pour conserver et affermir la discipline ecclésiastique, et aussi afin d’étudier les questions concernant l’action de l’Église dans le monde. »

Certes, cette définition est un peu bigarrée, car elle est le résultat d’un compromis entre plusieurs propositions conciliaires, comme il arrive souvent dans ce Code de droit canonique. Mais son but apparaît ici clairement : le synode est une réunion d’évêques dont le rôle est double : favoriser l’union étroite entre le Pape et les évêques et aider de ses conseils le Pontife romain, dans l’examen des affaires les plus graves de l’Église. Il est par conséquent un organisme normalement consultatif, sans être, une fois encore, l’organe officiel à travers lequel la collégialité se manifeste dans l’Église. Le synode des évêques aide le Souverain Pontife par ses conseils et la praxis habituelle dans les réunions du synode est de débattre de façon approfondie des questions proposées, de donner un avis, et de remettre ensuite entre les mains du Pape tous les matériaux ainsi élaborés, afin qu’il en fasse ce qui lui semblera bon. Il est bien connu que certaines encycliques ou lettres apostoliques parmi les plus importantes de ces derniers temps ont leur origine dans ces documents ; il est moins connu que quelques synodes ne donnèrent que de pauvres résultats, obligeant le Pape à tout reprendre de manière personnelle.

Selon le canon 345, il y a trois types d’assemblées synodales que le pape peut convoquer :

« Le synode des évêques peut être réuni en assemblée générale qu’elle soit ordinaire ou extraordinaire pour traiter des questions concernant directement le bien de l’Église tout entière, ou bien en assemblée spéciale pour étudier les affaires concernant directement une ou plusieurs régions déterminées. »

La spécificité de chaque assemblée est donc définie selon trois critères distincts : le sujet étudié, le degré d’urgence, et la région concernée. Comme je l’ai déjà dit, la composition de l’assemblée variera selon les types, mais il y aura toujours quatre critères de représentation stable : il doit y avoir des représentants de l’épiscopat oriental et latin (même si le sujet ne concerne que l’un ou l’autre), les responsables de la curie romaine, des représentants des supérieurs religieux, et des membres choisis par le pape.

Le synode convoqué en octobre prochain n’échappe pas à ces règles, à en lire la liste des participants publiés récemment par le Vatican. Ces noms correspondent à des personnes provenant des divers continents : il y aura 114 Présidents des Conférences épiscopales, 13 chefs des Églises catholiques orientales, 25 chefs de dicastères (congrégations ou conseils pontificaux) de la Curie Romaine, 9 membres du Conseil ordinaire du Secrétariat du Synode, le Secrétaire général et le Sous-Secrétaire du Synode, 3 religieux élus par l’Union des Supérieurs généraux. Il y a aussi 26 membres directement nommés par le Pape, ainsi que 38 auditeurs, dont 13 couples mariés et 16 experts. Il y aura enfin 8 « délégués fraternels », c’est-à-dire des chrétiens d’autres confessions chrétiennes (orthodoxes, anglicans, luthériens, réformés, baptistes, etc.). Le total des personnes participant à l’Assemblée synodale d’octobre est de 253.

Le président du Synode est le Pape lui-même, assisté de Vice-Présidents, encore appelés Présidents délégués : le Cardinal André VINGT-TROIS, Archevêque de Paris (France) ; le Cardinal Luis Antonio G.TAGLE, Archevêque de Manille (Philippines) ; le Cardinal Raymundo Damasceno ASSIS, Archevêque d’Aparecida (Brésil) et Président de la Conférence épiscopale brésilienne.

Certes, le Pape François avait parlé de réformer l’institution synodale, mais le temps a manqué avant cette convocation d’octobre et le Saint-Siège a d’ores et déjà prévenu que les pas nécessaires pour amender les normes et procéder à une véritable restructuration de l’organisme synodal seront faits ; sans doute plus tard. Cela n’empêche pas de se réunir ; cependant, cette réflexion synodale se ferait en deux étapes, ce que beaucoup, journalistes ou non, me semble-t-il, n’ont pas voulu entendre. Le déroulement du prochain synode sera bien articulé en deux étapes : l’Assemblée générale extraordinaire de 2014 et l’Assemblée générale ordinaire de 2015, après laquelle sera publié le document synodal dans laquelle le Pape prendra sans doute des décisions pastorales. Faut-il donc attendre je ne sais quelle réforme cette année ? Sans doute, non. Et faisons attention de ne pas surenchérir les attentes afin d’éviter de trop grandes désillusions.

Père Cédric Burgun

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