Marie de l’Incarnation : « La Thérèse de nos jours et du Nouveau Monde » (Bossuet)
5 avril, 2014   //   Par :   //   a chaud, eglise, droit canonique   //   1 commentaire   //   4846 Vues

La Bienheureuse Marie de l’Incarnation (1599 – 1672) a été canonisée par le pape François, en procédure exceptionnelle, jeudi 3 avril dernier. Mais qui est-elle ? Celle que Bossuet appelait « La Thérèse de nos jours et du Nouveau Monde » est assez méconnue des fidèles. Epouse, mère au foyer, chef d’entreprise, religieuse contemplative, puis fondatrice au Nouveau Monde, petit tour rapide d’une vie bien remplie et assez étonnante : mère au foyer, chef d’entreprise, religieuse et fondatrice. 

C’est à la veille du 17ème siècle que Marie Guyart voit le jour à Tours le 28 ou le 29 octobre 1599. Elle sera baptisée le lendemain. Elle est la quatrième enfant d’une famille modeste : son père, Florent, est maître boulanger, et l’époux de Jeanne Michelet. A l’âge de 7 ans, elle reçoit sa première grâce mystique, vision prémonitoire très éclairante pour le reste de sa vie. Le Seigneur lui apparaît sous de très beaux traits, l’embrassant et lui demandant : « Voulez-vous être à moi ? »

Le désir de la vie religieuse se fait très tôt sentir, mais son caractère agréable et joyeux lui vaut l’opposition de ses parents qui décident de la marier à Claude Martin, maître ouvrier en soie. Elle n’a que 17 ans. Malgré sa forte personnalité, Marie se donne sans compter à son époux. La beauté du don et de l’obéissance s’expriment déjà là.

Trois ans plus tard, de cette union naîtra Claude Martin, du même nom que son père, le 2 avril 1619 : il sera le futur éditeur des œuvres de sa mère, et sera aussi moine bénédictin de la Congrégation de St Maur.

Un triste événement vient bousculer la vie de Marie, sans doute heureuse jusque là : son mari décède brutalement à l’automne 1619, laissant à son épouse la fragile entreprise familiale, au bord de la faillite. La jeune veuve – Marie n’a que 20 ans – s’y dépense comme elle peut, voulant liquider l’affaire et rembourser les créanciers. Mère de famille, chef d’entreprise, Marie se donne là aussi sans compter !

Un premier événement mystique vient bouleverser le cours de sa vie, par une grâce de conversion :

« En un moment, les yeux de mon esprit furent ouverts et toutes les fautes, péchés et imperfections me furent représentés en gros et en détail … Au même moment, je me vis toute plongée en du sang et mon esprit fut convaincu que ce sang était le Sang du Fils de Dieu, de l’effusion duquel j’étais coupable par tous les péchés qui m’étaient représentés. »

Elle renonce alors à se remarier, et fait en secret le vœu de chasteté et de célibat. Marie se met au service de sa sœur et de son beau-frère, et le seconde dans son entreprise de transports par voie d’eau et de terre.

Sa vie intérieure se développe progressivement, et l’appel à la vie religieuse se fait à nouveau de plus en plus pressant. Dans une communauté à Tours, dans la chapelle, elle reçoit la 1ère et la 2ème vision trinitaire, dont je parlerai dans un prochain billet, bientôt. Elle trouve alors un directeur spirituel qui va la conduire de manière sûre au discernement de cette vocation.

Deux aspects marquent sa vie spirituelle d’alors : des pénitences nombreuses d’une part, révélant sa grande humilité, et un goût très prononcé pour l’Eucharistie et la communion, où elle vit déjà de manière très forte cette union au Verbe. La première manifestation de la Trinité se passe à la Pentecôte 1625, le 19 mai, et la met en attente et en désir du mariage mystique avec le Verbe de Dieu. Cela se passe au cours de la deuxième vision trinitaire, à la Pentecôte 1627. Quatre ans plus tard, et après de nombreux combats spirituels et de dures épreuves, elle entre chez les Ursulines de Tours, le 25 janvier 1631. Son fils, dont la séparation lui est rude pour elle comme pour lui, est confié à sa sœur. Le 17 mars 1631, huit jours avant sa prise de voile, elle reçoit la troisième et dernière révélation trinitaire. Plus tard, la séparation de son directeur, et un sentiment d’abandon intérieur la conduisent au désespoir. Cette purification intérieure voulue par le Seigneur durera pendant plus de deux ans. C’est au cours de cette période qu’elle fait sa profession perpétuelle, le 25 janvier 1633.

Après un songe prophétique qui lui dévoile un pays mystérieux, la vocation apostolique de Marie de l’Incarnation va devenir de plus en plus forte. Ainsi, en 1639, l’occasion lui est donnée d’aller fonder à Québec, où elle part définitivement s’installer avec deux autres ursulines, et une jeune veuve. L’arrivée au Canada ne se fit pas sans difficulté, ainsi que la nouvelle fondation en 1642. La séparation définitive d’avec son fils et sa famille est pour elle une épreuve supplémentaire très dure.

C’est lui qui pressera sa mère d’écrire le récit de sa vie intérieure, ce à quoi elle consent difficilement. Elle rédige alors une relation de sa vie, mais l’original disparaît dans l’incendie du nouveau monastère canadien. En 1653, son fils renouvelle sa demande, et c’est au cours d’une retraite qu’une illumination intérieure lui montre le développement de sa vie intérieure. Très rapidement, elle trace le plan de son autobiographie, et achève celle-ci en 1654. C’est grâce à cela que nous la connaissons.

De 1653 à 1663, la situation coloniale au Canada devient de plus en plus difficile, et la guerre iroquoise réduit considérablement la communauté française. Marie s’offre alors à Dieu pour que la foi catholique puisse se maintenir au Canada : les saints portent toujours du fruit ! La fin de sa vie est marquée par un état d’union très intime, mais simple avec Dieu. Elle meurt le 30 avril 1672 après une longue et douloureuse maladie.

Père Cédric Burgun

 

PS : Dans un prochain billet, je présenterai les visions trinitaires de Marie de l’Incarnation. A suivre !

Ce court texte que je vous présente ici est un condensé de la vie de Marie de l’Incarnation telle qu’elle est présentée dans le Dictionnaire de spiritualité, en une vingtaine de pages. Cf. G. Oury, « Marie de l’Incarnation », in Dictionnaire de Spiritualité, tome 10, pp.487-507.

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