Homélie de baptême pour mon filleul
13 juillet, 2012   //   Par :   //   interventions   //   1 commentaire   //   15001 Vues

Mon cher Wandrille,

il va falloir t’accrocher ! Je ne sais pas dans quel monde tes parents ont la bonne idée de te faire naître … je ne sais pas, mais vraiment pas, qu’est-ce que tu vas bien pouvoir vivre dans tes futures années … je ne sais pas quelle joie, quel bonheur, quelles difficultés aussi, t’attendent après bien des années.

Je ne sais pas …

Mais je sais que le monde est train de changer. Je sais que l’Eglise – en France tout du moins – donne quelques signes de faiblesse qui, parfois, m’inquiètent. Je sais que tout passe …

Mais je sais une chose, Wandrille : aujourd’hui, on te baptise ! Promets-moi une chose : de garder ce jour dans ton cœur et ta mémoire comme un des plus beaux jours de ta vie, sinon le plus beau. Parce qu’aujourd’hui, je peux te l’assurer, avec une de mes grandes amies, Thérèse d’Avila : « Nada te turbe, Nada te espante, Todo se pasa, Dios no se muda, La paciencia Todo lo alcanza ; Quien a Dios tiene ! Nada le falta : Sólo Dios basta ! »

« Que rien ne te trouble ; Que rien ne t’effraie ; Tout passe, Dieu ne change pas. La patience obtient tout ; Celui qui a Dieu ne manque de rien ; Dieu seul suffit ! »

Sólo Dios basta : ça sera un nom de code entre nous …

Tu vois, Wandrille – et je ne vais rien te cacher – tout passe. Notre monde, notre société, est dans un changement que personne ne comprend. Peu le pressentent … L’Eglise dans laquelle tes parents t’engagent est parfois bien pauvre. Elle manque même parfois de courage et d’audace. En fait, je ne devrai pas dire l’Eglise mais les chrétiens …

Les chrétiens se définissent souvent comme pauvres, petits, faibles … ils insistent beaucoup ces derniers temps sur la miséricorde de Dieu et sur son amour. Je me demande parfois s’ils n’insistent pas tant sur cette miséricorde que pour mieux légitimer et excuser leurs manques d’audace et leurs manques de courage.

Dans l’évangile, Jésus nous rappelle que nous ne sommes pas du monde. Que le monde nous prend en haine. Et c’est normal : Jésus nous a montrés l’exemple. Si l’on aime Dieu, alors lui seul suffit. Le monde n’est rien à côté de l’amour de Dieu. Dans l’évangile que tes parents ont choisi pour ton baptême (l’évangile de la Samaritaine), il y a deux choses que je veux retenir pour toi.

La première : Jésus s’adresse à une samaritaine. A cette époque, les samaritains n’étaient pas bien vus. Ils étaient rejetés, considérés comme des moins que rien. Mais ce que je veux retenir, c’est l’audace du Christ. Il n’en a eu que faire des protocoles et autres idées bien installées. Il a été prophète. Il a répondu à l’appel de Dieu pour dire quelque chose à son peuple, à ses disciples. Il s’est tourné vers les pauvres de son époque, eux qui avaient véritablement soif. Et deuxièmement, Jésus s’est présenté comme le véritable prophète : il n’a pas renié ou caché ce qu’il était profondément. La Parole de Dieu brûlait en lui comme un feu dévorant (cf. le prophète Jérémie). La grâce de Dieu était en lui comme l’eau dont Ezéchiel nous a parlé dans la 1ère lecture. Elle déborde, cette eau. Elle remplit tout sur son passage. Elle nourrit et ensemence toute terre, pour peu qu’on veuille bien qu’elle féconde. Elle apporte de nouveaux fruits.

Jésus savait qu’il avait au fond de son cœur la parole de vérité, la parole qui féconde. La parole qui donne la vie et qui sanctifie. Ce sera la même chose pour toi si tu le veux bien. Sólo Dios basta !

Alors, tu vois, Wandrille, on va t’expliquer durant toute ta vie, et parfois même des chrétiens, que ça ne sert à rien. Que les changements de ce monde sont inéluctables. Qu’il faut laisser la société avancer, et que ce serait même une preuve d’ouverture ! Souviens-toi seulement de Thérèse d’Avila. Elle te parlera de la grâce que Dieu a déposée en ton cœur. Elle te parlera que l’amour de Dieu déplace les montagnes. Elle te dira que Dieu a mis en toi toutes les capacités nécessaires pour que tu répondes à ton baptême.

Cela aussi tu le verras : on t’expliquera que tu as été baptisé, mais on te dira aussi, peut-être, que ce n’est pas grave si tu es pécheur ou si tu tais la vérité … on t’expliquera même que ce peut-être bien de se taire parfois pour ne pas blesser l’autre et le laisser libre.

Mais Wandrille, tes parents s’engagent aujourd’hui non pas d’abord à t’éduquer dans la foi chrétienne … non pas d’abord à te transmettre le credo … non pas d’abord à vivre des commandements de Dieu … si c’était uniquement cela, cela voudrait dire qu’ils pensent que la foi, c’est d’abord une éducation, une pensée théologique, une exégèse, un dogme ou une morale. Il n’y a rien de pire pour vider les églises.

Non, tes parents s’engagent à déployer en toi toutes les capacités de vivre la sainteté. Ta marraine et ton parrain, avec eux, veulent ce qu’il y a de meilleur pour toi. Certains se contentent de timidité et de faiblesse. Nous, nous voulons que tu sois un saint ! Une sainteté qui rayonne. Une sainteté qui éclate. Le monde n’a jamais bougé avec des tièdes ! Le monde n’a jamais été converti timidement. Les saints sont ceux qui crient au grand jour que Dieu aime. Qu’il est la seule Vérité qui compte ici bas comme là-haut dans le Ciel. Sólo Dios basta !

Tu as entendu cette samaritaine, Wandrille. Après sa rencontre avec le Christ, elle ne peut contenir sa joie et sa foi : elle le proclame à tout son village. Elle devient prophète à son tour.

Tu vois, je t’ai un peu dressé un tableau sombre de notre monde. Je l’ai fait un peu exprès … Mais je persiste et je signe. C’est pourquoi tu deviens aujourd’hui prêtre, prophète et roi.

Prêtre ? Tu offriras le sacrifice de ta louange et de ta vie à ton Dieu. Tu verras, Jésus sera l’ami le plus intime de ton cœur et de ta vie. Nul autre ne te comblera comme Lui. En lui offrant ta vie en retour, tu feras ce pour quoi tu es né : « rendre à Dieu ce qui est à Dieu ». Pour le reste, tu verras la vocation à laquelle Dieu t’appellera. Quelle qu’elle soit : tes parents, ta famille, ton parrain et ta marraine rendront toujours gloire à Dieu, avec toi, pour ton oui.

Roi ? Tu verras que la seule royauté que nous ayons en exemple, c’est celle du Christ : un manteau rouge, une palme à la main – celle du martyr – une couronne, mais d’épines … Apprends à contempler la Croix et tu vivras de la véritable autorité : celle du Christ livrant pour sa vie pour ses amis. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »

Prophète ? Il t’en faudra du courage pour l’être … mais encore une fois, Dieu dépose aujourd’hui dans ton cœur toutes les capacités de grâce et d’amour pour que tu le deviennes. C’est ce dont manque le plus aujourd’hui, peut-être, notre Eglise et notre société. Alors ne compte pas sur moi, si sur ta marraine et encore moins sur tes parents (je les connais …) pour t’inviter à te planquer, à te cacher, à ne pas t’engager en attendant que cela se passe, et que d’autres fassent le boulot …

Aujourd’hui, Wandrille, nous disons oui à Dieu pour toi. Demain, tu rediras ce « oui » toi-même. Je te fais confiance. Dieu pose son regard de tendresse sur toi. Il t’appelle par ton prénom. Il a un projet : celui que tu sois inscrit un jour sur le grand livre des saints. Ta vie, nul ne sait de quoi elle sera faite. Le monde dans lequel tu évolueras ? Nul ne sait ce qu’il adviendra. Mais ce que je sais, c’est que l’on retiendra de toi que tu auras été prêtre, prophète et roi, c’est-à-dire que tu auras livré ta vie sans retenue, sans réserve, avec même un zeste de folie par amour pour Dieu. Parce qu’il n’y a vraiment que les fous de Dieu pour aujourd’hui nous convertir et nous élever vers le Ciel.

Wandrille, Sólo Dios basta !

P. Cédric Burgun +

1 commentaire pour “Homélie de baptême pour mon filleul”
  • Charles
    13 juillet 2012 -

    Je peux commander la même pour le 9 septembre?
    😉